Quand Trackdéchets se heurte aux réalités du terrain des gaz
Sur le papier, la dématérialisation des bordereaux via Trackdéchets devait simplifier la gestion des gaz et autres déchets dangereux. Sur le terrain, pour les corps creux sous pression, beaucoup de professionnels vivent surtout une friction supplémentaire entre l'outil et la réalité.
Trackdéchets : une belle idée qui bouscule les habitudes
La plateforme Trackdéchets, portée par l'État français, impose une traçabilité numérique des déchets dangereux. Elle vise à sécuriser les flux, limiter les fraudes, fluidifier les contrôles. Personne de sérieux ne conteste ces objectifs.
Mais pour les acteurs qui gèrent des déchets complexes comme les bouteilles de gaz, extincteurs ou cartouches de protoxyde d'azote, l'outil tombe parfois comme une couche de complexité en plus sur un métier déjà contraint.
DI SERVICES, qui accompagne ses clients sur la partie gestion & suivi, le constate : ce n'est pas tant la technologie qui pose problème que la façon dont elle est plaquée, parfois brutalement, sur des organisations pas prêtes.
Les flux de gaz : un cas particulier mal compris par les généralistes
Un flux de déchets dangereux " classique " (solvants, huiles, boues industrielles) se prête assez bien au modèle Trackdéchets : un producteur identifié, un code déchet relativement stable, un circuit d'évacuation connu.
Pour les bouteilles de gaz et autres récipients sous pression, c'est une autre histoire :
- multiplicité des formats et des propriétaires,
- présence de gaz différents sur un même site, parfois mal inventoriés,
- flux diffus (collectivités, artisans, industriels, déchetteries) qui convergent vers des lots hétérogènes.
Renseigner proprement Trackdéchets sur ces flux exige une connaissance fine du contenu, de la dangerosité, des filières autorisées. Autant dire que ce n'est pas un simple clic administratif.
Les trois noeuds de friction les plus fréquents
En accompagnant des industriels, collectivités et professionnels de la récupération, on retrouve toujours les mêmes blocages.
1. L'identification initiale des déchets
Pour générer un bordereau valable, il faut savoir ce qu'on a entre les mains. Or, sur le terrain, on jongle avec des bouteilles orphelines, des cartouches non étiquetées, des extincteurs hors d'âge. Les fiches de données de sécurité sont introuvables, le personnel a changé, les historiques se sont perdus.
Résultat : on renseigne parfois des codes déchets approximatifs, " par analogie ", en priant pour que le centre de traitement ne renvoie pas le lot. Ce jeu de devinettes est exactement ce que Trackdéchets prétend combattre, mais il ne disparaît pas par magie.
2. La multiplicité des intervenants
Sur un flux de gaz, il n'est pas rare de trouver :
- un producteur (industriel, collectivité, exploitant de déchetterie),
- un collecteur ou transporteur spécialisé,
- un centre de regroupement,
- un centre de traitement final.
Chacun doit intervenir sur Trackdéchets, valider, compléter, signer. Avec des équipes pas toujours formées, des connexions internet capricieuses sur certains sites, des procédures internes lourdes, on comprend vite pourquoi les bordereaux restent parfois en suspens.
3. Le décalage entre temps opérationnel et temps administratif
Un chauffeur qui collecte des bouteilles de gaz sur plusieurs sites, qui gère les aléas de planning, les contraintes de sécurité, n'a pas toujours le luxe de passer dix minutes à chaque arrêt pour vérifier un formulaire numérique. Si l'outil ne s'adapte pas à ces contraintes, il sera contourné ou traité a posteriori, au détriment de la fiabilité des données.
2025 : maturation forcée des pratiques
En 2025, Trackdéchets n'est plus une nouveauté expérimentale. C'est une obligation consolidée. Les tolérances initiales se réduisent, les contrôles s'appuient davantage sur la cohérence des données numériques, et les écarts criants sautent aux yeux.
Pour les flux de gaz et de récipients sous pression, cela signifie :
- qu'on ne peut plus se contenter de " rattraper " la traçabilité en fin d'année,
- que les acteurs qui bricolent avec des bordereaux papier scannés ou des approximations de codes déchets seront de plus en plus visibles,
- qu'une mauvaise qualité de données peut faire planer un soupçon sur l'ensemble de la filière.
Autrement dit, les organisations vont devoir choisir : soit subir Trackdéchets comme une punition permanente, soit l'intégrer intelligemment dans leur gestion opérationnelle.
Ce que fait un spécialiste des corps creux sous pression pour alléger la charge
Contrairement à ce qu'on entend parfois, l'enjeu n'est pas de " déléguer Trackdéchets " à un prestataire, mais de redistribuer intelligemment les tâches.
Un acteur comme DI SERVICES, qui a structuré son offre autour de l'expertise, la collecte, le traitement et le suivi sur toute la France, peut intervenir à plusieurs niveaux :
- fiabiliser l'identification des flux (types de gaz, récipients, kits de tri),
- standardiser les codifications déchets utilisées sur vos sites,
- pré‑paramétrer les modèles de bordereaux pour limiter les erreurs de saisie,
- former les équipes à ce qui compte vraiment dans Trackdéchets, pas au jargon.
Ce n'est pas magique, mais cela change radicalement l'acceptabilité de l'outil. Quand un agent de déchetterie, un responsable HSE ou un logisticien comprend pourquoi il coche telle case, les résistances s'effritent.
Un cas concret : un réseau multi‑sites noyé sous les bordereaux
Un groupe industriel français disposant d'une vingtaine de sites s'est retrouvé, fin 2024, avec une situation ubuesque : des centaines de bordereaux Trackdéchets en attente de validation, certains incomplets, d'autres incohérents, et une impossibilité de produire un reporting fiable sur les flux de bouteilles de gaz et extincteurs.
En cause : une mise en place précipitée de la plateforme, une délégation aux agences locales sans cadre commun, et des prestataires déchets très inégaux dans leur maîtrise de l'outil.
En restructurant la filière avec un spécialiste des corps creux sous pression :
- un référentiel unique de codes déchets et de filières a été défini pour tout le groupe,
- les modèles de bordereaux ont été harmonisés,
- une équipe centrale a repris la main sur la validation finale, après saisie simplifiée sur site,
- les centres de traitement partenaires ont été alignés sur ces nouvelles pratiques.
En quelques mois, la situation s'est inversée : de système subi, Trackdéchets est devenu un outil de pilotage, notamment pour optimiser les tournées de collecte et les coûts de traitement des bouteilles et extincteurs.
Faire la paix avec Trackdéchets sans trahir le terrain
Il serait naïf de prétendre que tous les acteurs de la filière déchets se réjouissent de Trackdéchets. Beaucoup y voient une couche de bureaucratie de plus, imposée par des bureaux parisiens loin de la réalité des quais de chargement.
Pourtant, lorsque l'outil est apprivoisé, il offre une visibilité inédite sur vos flux : volumes par site, par type de gaz, par période, répartition entre collecte planifiée et urgences. Pour un responsable d'exploitation ou HSE, c'est une mine d'informations, à condition de ne pas se noyer dans les détails.
La clé, c'est d'accepter que la transformation numérique de la traçabilité ne peut pas être opérée par des check‑lists génériques. Elle doit être construite avec ceux qui se coltinent les bouteilles, les cartouches et les extincteurs au quotidien, et avec des partenaires qui connaissent intimement ce microcosme.
Si vous êtes en train de réécrire vos procédures ou de rattraper un retard sur Trackdéchets pour vos flux de gaz, c'est probablement le bon moment pour revoir plus largement votre organisation : de l'identification des gaz jusqu'au choix des centres de traitement, en passant par l'accompagnement administratif. Notre page Notre regard d'expert rassemble déjà plusieurs éclairages utiles pour initier ce chantier, avant d'aller plus loin avec un audit ciblé.
Pour suivre l'évolution officielle de la plateforme et de ses obligations, la documentation publique de Trackdéchets reste la référence, mais elle gagne toujours à être croisée avec vos contraintes de terrain plutôt qu'avec une vision théorique de " l'utilisateur moyen " qui n'existe pas.